Pôle emploi incite ses agents à donner leur cravate aux chômeurs (extrait)
Mediapart, 18 janvier 2018, Mathilde Goanec
Fin décembre, les agents de la direction régionale de Pôle emploi des Hauts-de-France, ainsi que ceux de l’agence de Villeneuve-d’Ascq, ont reçu un courriel de leur hiérarchie. Dans ce message, Pôle emploi propose à son personnel de participer à la collecte de l’association La Cravate solidaire, dont le slogan est limpide : « L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue. » Les agents de Pôle emploi sont ainsi incités à se séparer d’accessoires tels que des « ceintures, cravates, sacs, mallettes », mais aussi des chaussures, des montres ou des téléphones portables, encore en bon état, pour les donner aux chômeurs.
« C’est une proposition d’un de nos collaborateurs qui trouvait que cela s’inscrivait tout à fait dans notre démarche RSE [responsabilité sociale des entreprises – ndlr], et les retours sont positifs », explique Isabelle Lenfant, directrice de la stratégie et des relations extérieures pour Pôle emploi dans les Hauts-de-France, qui se dit « très surprise par notre demande ». Certains demandeurs d’emploi « sont dans une situation de précarité extrêmement difficile » et se présenter en entretien avec un sac, une belle veste ou une cravate, « cela peut donner de l’assurance, et pourquoi pas, peut-être, aboutir à un emploi », espère Isabelle Lenfant. Dans son mail envoyé aux agents, la direction régionale reprend d’ailleurs l’argumentaire de La Cravate solidaire, selon laquelle « l’apparence est l’une des caractéristiques principales de la discrimination liée à l’embauche ».
Certains agents sont nettement plus circonspects sur la démarche. « Cela montre assez clairement qu’on ne sait plus quoi faire, si on en vient à demander aux agents de Pôle emploi de donner leurs vieilles fripes aux chômeurs, se désole une représente SNU-FSU, l’un des principaux syndicats de l’organisme. Surtout, cette initiative participe, une nouvelle fois, à diffuser l’idée que le demandeur d’emploi est, quelque part, responsable de son état : s’il ne trouve pas de travail, c’est parce qu’il est mal habillé, qu’il n’a pas la bonne allure, ou je ne sais quoi… » Cette salariée pointe également une série de paradoxes : « Alors que nous mettons en garde depuis des années sur le fait que des gens seront laissés de côté, on accélère la dématérialisation du suivi et des offres. Dans le même temps, on nous dit que des demandeurs d’emploi n’arrivent même pas à s’acheter un téléphone ! C’est totalement contradictoire. »
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