Certifications TOEIC et TOEFL : La privatisation de l’enseignement des langues vivantes

Dans son discours du 23 février à l’EDHEC de Croix, le Premier Ministre a annoncé que, dans le souci de réduire le déficit du commerce extérieur du pays, le gouvernement allait financer des certifications type TOEIC ou TOEFL pour les lycéens et les étudiants se destinant à des carrières dans les secteurs susceptibles d’aider à développer les exportations.

Le SNESUP-FSU s’élèvent depuis longtemps contre la négligence coupable des gouvernements successifs quant à la formation en langues vivantes étrangères et régionales (LVER) des tous les acteurs, c’est-à-dire de l’ensemble des citoyens qui ont besoin d’une formation en langues étrangères. D’une manière il conviendrait que les formations en langues dans les collèges et les lycées reçoivent les dotations nécessaires afin que les élèves atteignent le niveau B2, notamment en anglais, qui est l’objectif visé à la fin de la classe de Terminale.

 

On  peut  aussi  s’élever  contre  l’ostracisme  dont  sont  victimes  les  enseignants  et  enseignants  chercheurs  et  par  voie  de conséquence  les  élèves  et  les  étudiants  en  langues  vivantes.  Ce  sont  les  premiers  visés  lorsqu’il  y  a  allègement  des programmes et des formations en langues. Les programmes Erasmus sont, certes, une bonne initiative mais les financements sont insuffisants et ne concernent qu’un nombre encore limité d’étudiants. La sélection sociale est particulièrement sensible sur ce secteur. Par ailleurs, les  échanges Erasmus avec la Grande Bretagne sont toujours très difficiles en raison du coût d’inscription dans les Universités anglaises Ce qui est compliqué pour une université française c’est de signer des accords d’échanges avec des places Erasmus avec la GB dans la mesure où les étudiants de GB payent une inscription exorbitante dans leur université d’origine, viennent en France en Erasmus et s’étonnent parfois de ne pas trouver de moyens similaires à ceux auxquels ils sont habitués outre Manche. Au passage quelle sera la situation, avec le Brexit ? Plus généralement quel rôle jouent les gouvernements français dans cet engagement européen d’une plus grande mobilité entre les Etats ?

Les formations  en Langues Étrangères  Appliquées offrent de bonnes formations en langues avec l’obligation d’avoir deux langues  étrangères.  Mais  les  formations  Langues  et  Cultures  Étrangères  sont  généralement  de  très  bon  niveau  dans  les Universités  françaises.  Les  formations  masters  recherchent  en  langue  et  les  doctorats  privilégient  le  lien  enseignement recherche.  Pour  toutes  les  langues  (sections  11,  12,  13,  14,  15,  je  ne  parle  pas  ici  des  langues  régionales  section  73)  les formations associent langue, littérature et civilisation c’est-à-dire un spectre ample abordé par des spécialistes enseignants-

chercheurs ce qui est déjà un atout primordial pour qui veut négocier avec des partenaires commerciaux, échanger avec eux et  comprendre  leurs  mentalités  mais  aussi  mener  une  activité  scientifique…  qui  plus  est….  à  l’international.  Tous  les enseignants  chercheurs  en  langues  étrangères  établissent  par  nécessité  des  liens  avec  leurs  homologues  étrangers.  La véritable excellence est là. Pas dans les IDEX.

Manque de moyens dans les services langues

Cependant,  l’APLV  ne  peut  pas  accepter  les  propositions  du  Premier  Ministre.  D’abord,  penser  que  l’anglais  suffit  pour commercer  à  l’international  est  une  conception  erronée.  L’anglais  est  évidemment  d’une  importance  capitale,  mais  la connaissance  d’autres  langues  et  d’autres  cultures  est  un  atout  primordial  pour  qui  veut  négocier  avec  des  partenaires commerciaux, échanger avec eux et comprendre leurs mentalités.

Par  ailleurs,  les  certifications  TOEIC  et  TOEFL  sont  souvent  obtenues  après  une  période  de  bachotage  centré  sur  des compétences peu transférables en situation réelle d’interaction. De plus, la durée de validité de ces certifications est limitée.

Ces  certifications  sont  un  moyen  pour  l’agence  GB  de  diffusion  de  l’anglais  de  rentabiliser  leur  langue,  leur  formation  et d’offrir  à  leurs  étudiants  des  postes  de  formateurs  dans  leurs  centres  à  l’étranger.  D’où  la  nécessité  d’introduire  une péremption. La formation en anglais y est pauvre, basique, parfois caricaturale.

Aujourd’hui, les étudiants des filières du commerce international, comme LEA, se font engager par les entreprises sans ces certifications, le niveau de leur diplôme leur servant d’attestation de compétence en langue. Il ne semble donc pas opportun de miser sur une certification de type TOEIC ou TOEFL. La proposer comme un supplément face aux diplômes universitaires risque fort de dévaloriser ceux-ci, ce qui ne peut être le but recherché par le Premier Ministre.

Qu’un Ministre, pire 2 Ministres dont le Premier d’entre eux fasse la publicité de ces formations pour favoriser le commerce extérieur française laisse pantois. Ces officines n’ont pas tardé à crier victoire :

https://www.etsglobal.org/Fr/Fre/L-entreprise/Actualites/La-transformation-de-la-formation-professionnelle-de-Muriel-Penicaud-la-liberte-de-choisir-son-avenir-professionnel

Ce lundi 5 mars 2018, Muriel Pénicaud, ministre du travail, a présenté les grands axes de son projet de loi : la transformation de la formation professionnelle qui sera présenté mi-avril devant le Conseil des Ministres. […]  Elle indique que ce  « Big Bang » de la formation professionnelle met en place de nombreuses « transformations utiles, profondes et attendues des entreprises » pour permettre à chacun d’exercer concrètement ses droits quel que soit la formation qu’il choisit, en accédant par exemple à « la fameuse certification en anglais : le TOEIC® ». Ces déclarations font écho à celles du Premier Ministre, Edouard Philippe, qui annonçait il y a quelques semaines vouloir mieux former les français à la langue anglaise, notamment grâce à des certifications de langues telles que le TOEIC®.

L’Etat va dépenser des sommes importantes pour enrichir les organismes privés qui proposent ce genre de certifications. D’ailleurs,  Cambridge  English  a  réagi  très  vite  à  l’annonce  d’Edouard  Philippe,  se  réjouissant  dans  un  communiqué  de  la reconnaissance de la qualité de son offre.

Quelques  jours  après  l’annonce  de  la  réforme  du  lycée,  qui  prévoit  un  horaire  de  LVER  très  insuffisant  pour  un  nombre encore  plus  grand  de  lycéens,  l’APLV  souhaite  rappeler  qu’elle  a  à  plusieurs  reprises  demandé  la  création  au  lycée  de spécialités « SES et langues » et « sciences et langues », aptes à développer chez la majorité des lycéens les compétences dont le gouvernement veut confier aujourd’hui l’évaluation à des officines privées. L’APLV

Le SNESUP-fsu ne comprend pas que, contre l’intérêt économique du pays, le gouvernement fasse le choix de l’austérité pour l’Education Nationale et du mépris du travail de ses professeurs, tout en finançant grassement des prestataires extérieurs.

Pour  améliorer  la  balance  des  paiements  ce  gouvernement  invente  une  nouvelle  formule  :  appauvrir  les  savoirs  faire nationaux et acheter à l’étranger. Original non ?

CNESER Plénier Mars 2018 – Délégation SNESUP-FSU, Alet VALERO – Cécile TROJANI

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