Les pièges du logiciel qui décide des entrées au lycée
Algorithme d’enfer au collège, Le canard enchainé, mercredi 18 avril 2018
Les 625 000 ÉLÈVES – et leurs parents – occupés, ces jours-ci, à préparer le passage de la classe de troisième au lycée ont mis un nom sur leur grogne et leurs angoisses (pétitions et plaintes collectives) Affelnet. Ce programme informatique, décidant du nom du futur lycée, combine des données logiques – les huit vœux formulés par les demandeurs – à des critères mystérieux.
La circulaire « Modalités et procédures d’affectation des élèves dans les lycées 20182019 » (102 pages !), destinée aux directeurs de collège, que « Le Canard » a consultée, présente en effet de troublantes bizarreries.
Les critères utilisés pour affecter les élèves varient d’une académie à l’autre. A Paris, par exemple, les résultats scolaires et les données géographiques sont pris en compte. Mais pas à Limoges ou à Versailles, où seul joue le lieu l’habitation ! « Le critère géographique reste le principal, plaide Jean-Marc Huart, le directeur général de l’Enseignement scolaire. Chaque académie peut adapter l’algorithme à sa réalité locale… »
Avec, parfois, des résultats absurdes : le collège parisien Lamartine, situé à la limite les IX, et Xe, accueille des enfants des deux arrondissements. Manque de pot, à cause lu découpage de Paris par Affelnet en quatre zones, les collégiens de Lamartine originaires du Xe – qui ne sont pas zonés » comme ceux du IX- n’ont aucune chance d’accéder… au lycée Lamartine.
Nota bene
Autre cachotterie de l’Educ nat ? Lorsque les notes de troisième sont prises en compte (c’est le cas notamment à Paris, à Créteil, etc.), l’algorithme d’Affelnet opère un curieux bidouillage. D’abord, il « harmonise » les notes de chaque élève dans chaque discipline pour en « atténuer les effets (…) trop généreu[x] ou trop sévère[s] ». Un 15,1 sur 20 est ainsi remonté à 16 et un 18,5 descendu au même niveau, là où un 14,9 se transforme en 13 ! Ensuite, il « harmonise » ces résultats à l’échelle de l’académie.
« Les parents ne sont absolument pas informés de ce double lissage des notes », peste Elise Lemaire, de la FCPE Paris. Et de citer « des élèves arrivés ex aequo via Affelnet » et se retrouvant départagés par ce critère hautement scientifique : l’heure de saisie des données par le responsable du collège ! Va falloir être gentil avec Mme la Principale…
Heureusement, un responsable du ministère explique que « le système est extrêmement bordé et transparent ». Voilà qui crève les yeux !
Jérôme Canard, Le canard enchainé, mercredi 18 avril 2018