Cher(e)es collègues,
Outre que je souscris aux arguments de mes collègues concernant les dangers et l’horreur de Parcourssup, je pense que certains éléments non moins cruciaux, bien que symboliques peut-être, doivent être pris en considération.
Quels sont les nouveaux requis pour accéder à l’université ? Un cv et une lettre de motivation que la plupart d’entre-nous ne sommes pas à même d’entendre et de plus, pour des vœux hypothétiques ? Ce sont des requis pour s’inscrire à Pôle emploi ! Oui on nous demande de casser les rêves de nos jeunes, de nos enfants souvent, afin de décider qui sera élu(e) pour participer à cette nouvelle mise en production des universités. On nous demande de faire savoir à nos futurs étudiants qu’il est temps que l’adolescence s’achève, eût-elle commencée, que l’errance trouve des ports d’attaches en terre de Pôle emploi ou dans une formation parfois mal ajustée pour certains à l’université. Terminé, on rentre dans les rangs !
Désolé mais je « flippe » pour ces étudiants et pour le mauvais rôle qu’on veut nous faire endosser ! Ma fille passe le bac cette année, et croyez-moi, elle m’a dit qu’elle ne pouvait faire un « vrai » choix tant il y a d’enseignements en de nombreuses disciplines inconnues qui l’intéressent ! Et oui, une grande partie du soi-disant « échec en 1ère année » n’est que l’errance normale lié à la construction d’un(e) Homme/Femme, c’est en tous cas ce que je constate en observant les parcours d’étudiant(e) et de nombreux collègues l’ont démontrés. J’ai moi-même erré longtemps avant de trouver ma place… Toujours mal assurée…
De plus en plus, on demande à l’université de former pour acquérir des compétences performatives à moindre coût l’obligeant à collaborer plus qu’il ne se doit avec les marchés du travail au de l’expansion des formations professionnalisantes. C’est là que se propage « le culte de la performance et la fatigue d’être soi » qui rend les sociétés malades pour emprunter à Alain Ehrenberg. Nous ne formons pas que des étudiants à nos disciplines, nous contribuons aussi à former des citoyens, des hommes et des femmes sachant réfléchir et libres de leurs choix, ça prend du temps…. Faut-il le dire ? Nous sommes les gardiens de rêves d’avenir des étudiant(e)s, de leur Temps ! Peut-on en accorder un peu de ce Temps à nos étudiant(e)s ?
Certains d’entre-nous ont connu des étudiants qui venaient à l’université pour le plaisir d’apprendre, reculant le moment d’entrer dans la vie active en suivant plusieurs disciplines et en passant de nombreux diplômes avec succès, attendant peut-être le moment qui s’imposerait comme « allant de soit » pour accomplir ce qu’ils devaient faire….
Voilà cher(e)s collègue en quelques mots ce que je souhaitais vous dire.
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Sociologue/Anthropologue