Drôle de fête des voisins entre Assas et Sciences-Po, Le canard enchaîné, 18 décembre 2019, Clora Gamberger
BATAILLE RANGÉE à Saint-Germain-des-Prés d’un côté, l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, alias Sciences-Po, de l’autre, ParisII, alias Assas, la prestigieuse fac de droit. Entre les belligérants, l’Etat, qui vient de trancher en faveur du premier.
L’IEP et Paris-II se disputaient la moitié d’un immeuble sis au 28 rue SaintGuillaume, dans le très cher VII, arrondissement de la capitale : 408 m2 de locaux laissés vacants par une antenne de l’université Paris-III.
L’autre moitié de l’édifice étant déjà occupée par l’Institut de droit comparé, rattaché à Assas, le directeur de la fac, Guillaume Leyte, avait écrit, le 19 mars 2018, à la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, pour lui faire part de son souhait de récupérer l’immeuble tout entier. Au passage, il rappelait qu’Assas avait « beaucoup investi dans la rénovation » du bâtiment (976 000 euros) et qu’il manquait à son université « 15 000 m2 (estimation validée par [le] ministère) ».
Dans cette missive, Leyte s’était inquiété de ce que Frédéric Mion, le directeur de Sciences-Po (dont le siège est situé au 27 rue SaintGuillaume), lui ait « rendu visite pour [l’]informer qu’il recherchait des locaux tampons pour son institution, le temps que les travaux de l’hôtel de l’Artillerie soient achevés ».
En 2016, Sciences-Po a en effet racheté ce monument historique situé à deux pas du boulevard Saint-Germain. En septembre 2021, il abritera le nouveau campus de l’IEP, à même d’accueillir 10 000 étudiants. Au total, Sciences-Po bénéficiera ainsi de 45 000 m2 dans le quartier. Assas dispose d’une surface supérieure mais compte deux fois plus d’étudiants.
Et la frénésie d’agrandissement de l’IEP va se poursuivre, le ministère lui ayant donc gratuitement accordé quelques centaines de mètres carrés supplémentaires qu’il pourra conserver même une fois les travaux de l’Artillerie achevés. L’arbitrage a-t-il été politique ? Sans le crier haut et fort, certains pontes d’Assas rappellent en passant que Frédéric Mion est l’un des meilleurs amis d’Edouard Philippe…
Assas… siné
«Nous n’avons pas soutenu le projet de Paris-II, dans la mesure où Assas (avec un soutien financier de 9 millions d’euros de l’État) va s’implanter à hauteur de 10 000 m2 sur le site de Censier, dans le V’ arrondissement », expliquet-on au cabinet de Frédérique Vidal.
Un argument qui ne convainc guère Guillaume Leyte : « L’opération menée à Censier, si elle se concrétise, n’aboutira au mieux que dans une dizaine d’années (…). Notre fac n’a bénéficié d’aucune surface supplémentaire depuis 2008, et nous ne disposons d’aucune des ressources financières de l’IEP pour nous développer. »
Il faut dire que, avec des frais d’inscription pouvant grimper jusqu’à 10 540 euros par année de licence (et 14 500 en master), Sciences-Po devrait bientôt pouvoir s’offrir tout le Quartier latin.