MOTION DE LA SECTION 04 DU CNU (science politique)
Les rapports préalables au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) préconisent un ensemble de mesures qui fragilisent les conditions de travail, précarisent les personnels, mettent en concurrence les établissements et les individus, entravent la production scientifique et menacent les libertés académiques. Nous, membres de la section 04 du CNU, tenons à exprimer nos plus grandes craintes face aux risques que ces propositions font peser sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Nous exprimons notre profond désaccord avec la possibilité de recruter sur la base de contrats de travail (tenure track, CDI de chantier, chaires d’excellence, etc.) dérogatoires aux dispositions statutaires. Nous appelons au contraire à une politique ambitieuse d’emploi qui mette fin à la précarisation généralisée des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Nous dénonçons avec force la préconisation de l’abandon de la référence aux 192 heures équivalent TD pour définir le service d’enseignement (et donc les heures complémentaires), ainsi que la suppression de la clause d’accord des intéressé.es pour la modulation des services.
Nous refusons de rompre le lien enseignement-recherche, au principe d’une formation universitaire qui doit rester de qualité, et ne pas laisser de place à un monde à plusieurs vitesses, dans lequel les établissements les moins dotés seraient à court terme privés de chercheur.es dans les rangs des équipes enseignantes.
Nous dénonçons la croissance incessante des tâches administratives des enseignant.es-chercheur.es au service de la gestion managériale, alors même que les établissements souffrent des moyens insuffisants consacrés au recrutement de personnels de soutien administratifs et techniques indispensables au bon fonctionnement des enseignements et de la recherche.
Nous contestons la remise en cause des fonctions du CNU et réaffirmons notre attachement à ses missions qui garantissent un traitement national, collégial et impartial de la carrière des enseignant.es-chercheur.es.
Nous refusons que la production scientifique soit réduite à des réponses à des appels à projets sur des thématiques définies selon des impératifs politiques.
En l’état, toutes les mesures préconisées ne contribueraient donc qu’à dégrader encore le service public de l’enseignement supérieur en aggravant les inégalités existantes entre les personnels et entre les établissements. Cette détérioration des conditions d’emploi et de travail auront inévitablement des effets désastreux sur la réussite des étudiant.es, la qualité de leurs formations, tout autant que sur le rayonnement de la recherche française aux niveaux européens et internationaux.
Face à ce désastre politiquement organisé, nous, membres de la section 04 du CNU, soutenons l’ensemble des mobilisations en cours dans l’ESR et appelons toutes et tous les collègues, toutes les catégories de personnels et les étudiant.es à la mobilisation pour s’opposer au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
Nous exigeons :
- l’ouverture de réelles discussions pour construire une loi de programmation garantissant le principe de liberté et de pluralité des activités scientifiques et académiques et donnant les moyens nécessaires au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
- la concertation avec nos instances représentatives et nos associations professionnelles (CP-CNU, AFSP, AECSP, ANCMSP, section 40 du CNRS) ;
- la réaffectation des six milliards annuels du Crédit Impôt Recherche à la recherche publique ;
- l’augmentation significative des dotations annuelles des unités de recherche par des financements pérennes pour la production et la diffusion des recherches ;
- la création de postes d’enseignant.es et/ou chercheur.es et de BIATSS et la revalorisation de leurs métiers et carrières (en commençant par le dégel du point d’indice et en facilitant les congés pour recherche).
Dans ce contexte, les membres de la section 04 s’associent au texte adopté par les membres démissionnaires des comités de visite HCERES et demandent à la présidente de ne pas mandater de représentant.es du CNU dans ces comités tant que l’actuel projet de LPPR ne sera pas retiré et que la pratique des évaluations ne sera pas amendée.
Motion adoptée à l’unanimité des membres présent.es.
Paris, le 3 février 2020.