A Tolbiac, les étudiants parisiens s’organisent contre une réforme des retraites «patriarcale» 

A Tolbiac, les étudiants parisiens s’organisent contre une réforme des retraites «patriarcale» Libération, jeudi 19 janvier 2023 (extrait)

Une centaine de militants se sont réunis ce 19 janvier en AG pour tenter d’amplifier la mobilisation dans les universités.

« On est tous de gauche ici, unis contre la réforme de Macron !» répètent les étudiants les uns après les autres, dans l’amphi H du campus de Tolbiac, à Paris (XIIIe arrondissement), en ce jour de mobilisation nationale . C’est la première AG de l’année. Une centaine des jeunes sont juchés sur les bancs. Un taux de présence faible, qui s’explique par le décalage des partiels. Sur la tribune, Ugo, 20 ans, étudiant en droit et sciences politiques et vice-président étudiant de l’université ; Ariane, 22 ans, étudiante en droit et militante au Poing levé, et Hortense, du NPA jeunes, animent l’AG. Deux points figurent à l’ordre du jour : la réforme des retraites et les actions à mener à l’université. C’est-à-dire, comment massifier le mouvement parmi les étudiants et dépasser les cercles militants habituels.

Pas que les retraites

« J’ai remarqué des visages familiers, ça fait plaisir, intervient un étudiant de l’Unef. Ceux qui sont là depuis deux ou trois ans savent comme il est compliqué de mobiliser un maximum d’étudiants. Et ce, à cause de la crise du Covid, du distanciel, mais aussi de l’administration, qui impose de plus en plus de mesures liberticides», explique-t-il en pointant par exemple les agents de sécurité de la fac, qui refusent l’accès de l’amphi aux étudiants d’autres universités. Mais ce ne sont pas les seules raisons de cette mobilisation : «Les jeunes ont peur de cette réforme» , concède Ugo. Le défi, aujourd’hui, est celui de «fournir les instruments, pour exprimer cette anxiété, dans un cadre de mobilisation collective» .

Même si le sujet de la réforme paraît lointain, «les retraites, ça nous concerne directement» , avancent plusieurs voix. Comme celle d’Astrid, militante au Poing levé, obligée de travailler pour pouvoir étudier à Paris : «Pendant les études, on ne cotise pas, nous serons nombreux à n’atteindre une retraite à taux plein qu’à 67 ans. » Elle note aussi un autre enjeu : «Elisabeth Borne dit que la réforme va améliorer la situation des femmes. C’est faux, cette réforme est patriarcale.» Afin de mobiliser l’ensemble des 45 000 étudiants de l’université, elle propose de valoriser les éléments de langage auxquels les jeunes sont sensibles, comme «les questions liées au genre et aux droits des femmes».

Selon Eli, en troisième année de licence en sciences sociales, élargir le mouvement aux personnes non politisées n’est possible que si «on se mobilise aussi autour de la sélection à l’université» . Il propose de relayer la motion votée par les étudiants de l’Université Paul-Valéry de Montpellier (Hérault), pour «contraindre l’Etat à bloquer la sélection» et de s’opposer au dispositif «Mon master», qui va étendre Parcoursup aux étudiants en master, à partir du 1er février .

«Ce qui nous attend, c’est la précarité à vie»

Les jeunes militants s’interrogent sur leur place dans les mouvements de grève : faut-il suivre le plan des raffineurs, c’est-à-dire commencer par 24 heures de grève, puis passer à 48 heures et la semaine suivante à 72 heures ? Les avis divergent. D’un côté, certains préfèrent prendre du temps pour organiser le mouvement, attendre que les partiels se terminent et se tenir au calendrier de l’intersyndicale. Car «ce sont les travailleurs et les travailleuses qui donnent le tempo. Ce sont eux qui font la mobilisation». De l’autre côté, la majorité des présents préfère «ne pas suivre de consignes venues d’en haut» , ni attendre la prochaine manifestation nationale : «Les journées d’actions sont des pièges à cons» , résume Rochy, qui se prépare au Capes.

Certes , le mot d’ordre collectif, «c’est le retrait de la réforme des retraites» , mais ce qui préoccupe le plus les jeunes, c’est la précarité : «Ce qui nous attend, c’est la précarité à vie, notre génération n’a pas le droit d’avoir des droits ?» ajoute Rochy.

Une impression partagée par Marcello, du NPA jeunes : «Cette réforme ne sort pas du chapeau magique de Macron. Elle s’inscrit dans une attaque contre toutes les personnes précarisées.» La preuve ? La réforme du chômage, la réforme des lycées professionnels, le projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration, détaille le jeune. «Deux ans de travail de plus, c’est deux ans de vie qu’on nous vole» , conclut Ugo.

Au bout de presque deux heures de discussions, une liste de propositions remplit le tableau : coordonner des actions de tractage, organiser des conférences avec les ouvriers, les enseignants, les agents de la RATP, préparer une nouvelle AG la semaine prochaine et, surtout, créer un comité commun avec les professeurs et le personnel de l’université. Votée à l’unanimité, cette proposition est soutenue par Catherine, militante au Poing levé et chargée de TD. Pour pallier l’absence d’étudiants, elle insiste sur le rôle pédagogique des militants et des enseignants : «Historiquement, les profs ont toujours aidé à faire prendre conscience des enjeux des réformes. C’est un argument pour créer un véritable front commun.»

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